Une discussion sur les promesses, les risques et les enjeux de la géoingénierie.
1. Définition et typologie de la géoingénierie
La géoingénierie désigne l’ensemble des techniques à grande échelle visant à modifier le climat pour contrer les effets du changement climatique. Elle se divise principalement en :
- Extraction du dioxyde de carbone (CDR) : reforestation, captation directe, fertilisation des océans…
- Géoingénierie solaire (SRM) : modification du bilan radiatif (ex : injection de particules réfléchissantes, miroirs spatiaux…).
Distinction est faite entre techniques « basées sur la nature » et approches industrielles.
« Les trois piliers, c’est globalement une modification de l’environnement, qui doit être en premier lieu intentionnelle, à grande échelle, et dont l’objectif est d’atténuer les changements climatiques ou de les masquer. »
2. Critiques et controverses autour du concept
Le terme de « géoingénierie » est lui-même controversé :
- Il regroupe des techniques très disparates.
- Il est vu comme un outil de technosolutionnisme — c’est-à-dire une fuite en avant qui sert à justifier l’inaction climatique des élites.
- Il permet de politiser ces solutions au détriment d’un débat scientifique rigoureux.
« Ce terme de géoingénierie [...] permet de politiser tout un ensemble de techniques qui offrent une solution alternative à celle de l’atténuation. »
3. Acteurs et intérêts en jeu
On retrouve :
- Des philanthropes influents comme Bill Gates.
- Des entreprises pétrolières intéressées par les technologies de captation.
- Un petit noyau de « géoingénieurs » (100 à 150 personnes dans le monde) souvent issus de pays occidentaux, qui promeuvent activement ces solutions.
Ces initiatives posent la question du contrôle climatique global, sans consensus international, de façon sauvage.
« Dans les principaux financeurs et promoteurs de la géoingénierie solaire, on a Bill Gates, qui est aussi par ailleurs très actif dans la promotion de l’extraction du dioxyde de carbone. »
4. Dilemmes éthiques et débats dans la communauté scientifique
Des tensions morales :
- Faut-il faire de la recherche pour anticiper les effets ? Ou s’abstenir pour éviter une normalisation ?
- Des chercheurs se sentent pris entre l’obligation d’alerter… et le risque de rendre ces solutions socialement acceptables.
« Parfois je me dis qu’il faut arrêter de travailler là-dessus. Et le lendemain, si les États-Unis font ça, il faut bien qu’on sache... C’est très compliqué moralement. »
5. Le poids des discours conspirationnistes
Les réseaux sociaux sont saturés de discours de type chemtrails, mêlant désinformation et préoccupations réelles sur la concentration du pouvoir climatique.
« On a ces personnes-là qui animent la grande majorité du débat sur la géoingénierie, mais qui sont complètement à côté du régime de factualité, tout en soulevant des préoccupations démocratiques très intéressantes. »
6. Évolution historique et politique de la géoingénierie
- Années 1940-70 : Géoingénierie à visée militaire (ensemencement des nuages, etc.).
- Années 90 : Intégration dans les politiques climatiques via les mécanismes de « comptabilité carbone » (Kyoto).
- Années 2000-2020 : Normalisation des techniques de captation.
- 2020-2025 : Montée de la géoingénierie solaire, sous l’effet de la crise de l’atténuation, du retard accumulé et du dépassement de +1.5°C.
Le discours actuel sur le dépassement climatique (overshoot) prépare le terrain à une acceptation accélérée de la géoingénierie.
« On est à un nouveau stade de fuite en avant où maintenant on compte sur la modification du bilan radiatif pour nous faire gagner du temps. »