Marcello Vitali-Rosati propose ici une réflexion critique sur le rôle des technologies dans nos sociétés contemporaines.
1. Fin de l’utopie numérique
L’époque d’enthousiasme autour d’un internet libre et ouvert (comme le rêvait Barlow dans les années 1990) est révolue. Aujourd’hui, l’espace numérique est dominé par des géants comme Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft… et maintenant OpenAI. Ces entreprises exercent un pouvoir économique et politique énorme, parfois même en collusion avec les États.
2. Les outils façonnent la pensée
Le message central : la pensée n’est jamais indépendante de ses supports techniques. Utiliser un fichier DOCX, un moteur de recherche ou un outil d’IA ne sont pas des actes neutres. Ces technologies conditionnent notre façon de réfléchir, d’écrire, de comprendre le monde.
« Les outils numériques que nous utilisons ne sont pas neutres : ils sont construits par une poignée d’entreprises avec une vision du monde très particulière. »
3. Critique du solutionnisme technologique
Le discours dominant présente les technologies comme des solutions neutres et efficaces. Or, cela masque leur ancrage idéologique (productivisme, rentabilité, efficacité).
« On nous propose des solutions sans même se demander à quels problèmes elles répondent. »
4. Une autre littératie numérique
La véritable éducation numérique ne consiste pas à apprendre à “utiliser” Word, Zoom ou ChatGPT. Elle consiste à remettre en question les outils eux-mêmes :
- Quels besoins servent-ils vraiment ?
- Quelle vision du monde imposent-ils ?
- Que nous empêchent-ils de faire ou de penser ?
« Ce n’est pas une question de savoir utiliser les outils. C’est une question de savoir poser des questions. »
5. Le paradoxe low-tech
Plus une personne est compétente techniquement, moins elle a besoin d’outils sophistiqués.
Exemples :
- Un bon marin peut naviguer sans GPS.
- Un informaticien expérimenté peut préférer un vieil ordinateur modifiable à un smartphone dernier cri.
6. L’IA : une terminologie floue
Les mots « intelligence artificielle » ou « générative » sont souvent utilisés sans clarté ni précision. Ce sont des algorithmes, souvent puissants, mais pas magiques ni inédits. L’auteur rappelle que les réflexions sur ces questions existent depuis des décennies, voire des siècles (Leibniz, Pascal…).
Conclusion
Nous devons développer une pensée critique des technologies — pas seulement les utiliser, mais comprendre leur impact, leur logique, et construire des alternatives.
Cela passe par :
- La déconstruction des évidences technologiques
- Le bricolage, la lenteur, la remise en question
- Une reprise du pouvoir cognitif et politique face aux GAFAM.
« Pour comprendre ce que ça veut dire penser, il faut se salir les mains, bricoler, démonter. »