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loos-en-gohelle.fr · < 1 min

Ce socle est fondé par des valeurs éthiques, culturelles et sociales du territoire, révélées à travers la mise en récits de son histoire et de celle de ses habitants. Associées à un travail des mémoires et à des efforts de mise en trajectoire, tout cela fait apparaître « une vision », un projet commun de développement qui révèle le sens de l'action de chacun et que l'action de chacun contribue à alimenter.

Comme les fondations d’une maison, ce travail mémoriel et narratif permet d’asseoir, en créant les conditions d’apparition des leaderships et d’une organisation collective de portage dans le temps, 4 piliers qui sont les principaux leviers d'action dans la conduite du changement :

  • L’implication des habitants, des acteurs dans la coproduction de la ville : c’est le concept d’habitant-acteur. Chacun est appelé à contribuer à l’élaboration de l’action publique locale. Et
    l’action publique locale est appelée à être gouvernée comme un « commun » dont la Municipalité n’a pas le monopole bien qu’elle joue, comme d’autres, un rôle déterminant.
  • Une pensée et une action « systémique » : il s’agit d’intégrer toutes les dimensions du développement durable (culture, lien social, économie, milieu naturel...) dans le but de préserver
    les ressources naturelles, de protéger les biens communs et de mieux partager et distribuer la richesse. La ville se pense et se conçoit comme un ensemble, comme un système ouvert, inclusif
    et apprenant. Le fait d’impliquer les citoyens contribue à mettre en place une organisation de travail plus transversale, à remettre en question un fonctionnement « en silos », trop pyramidal
    et hiérarchisé. Cela incite les acteurs institutionnels à se parler, à régler en amont les questions de répartition des compétences, d’identification du service ou de l’institution responsable, pour
    proposer aux habitants une réponse « intégrée », complète et exhaustive, à leurs problèmes. Au sein de la mairie, chacun voit alors son travail et son périmètre d’action se modifier, ses missions se déplaçant parfois sur des domaines qui, autrement, n’auraient pas relevé de sa responsabilité.
    Cela vient progressivement renforcer les capacités de coopération au sein des équipes et créer une capacité collective à intégrer des enjeux qui peuvent sembler contradictoires de prime abord. Cela apporte en outre du sens au travail et une reconnaissance de l’expertise de chacun.
    Mais cela peut également générer de l’insécurité pour qui n’est pas préparé, voire une certaine nostalgie vis-à-vis d’un modèle plus vertical, plus intelligible et conforme à des habitudes de
    travail prises depuis longtemps.
  • L’innovation et le mode projet avec « le réel » comme porte d’entrée : l’innovation sociale est appliquée au réel en partant des besoins véritables des habitants. Ces besoins peuvent être
    exprimés explicitement, ce qui est idéal, mais ils peuvent également être perçus de manière plus implicite et repérés par des signaux faibles. Ces besoins doivent ensuite être qualifiés et précisés, ce qui requiert du temps de préparation. L’enjeu est de les prendre en charge tels qu’ils sont exprimés, sans a priori, sans en avoir une idée préconçue. Impliquer les citoyens nécessite de chercher dans le réel le « grain à moudre », la matière pour mener des projets en adéquation avec les nécessités concrètes de la population, car une vision, aussi désirable soit-elle, doit se confronter à la réalité et à la complexité de la mise en œuvre opérationnelle. De ce constat, la
    mairie a progressivement tiré la conclusion que la connaissance provient d’abord de l’expérience du réel et donc de l’action. Cette dimension laisse donc une place importante à
    l’expérimentation, au droit à l’erreur, aux processus collectifs d’apprentissage, aux retours sur expérience et à l’évaluation des mesures proposées. Un référentiel, document particulièrement
    conceptuel, doit avant tout aider au passage à l’action et c’est bien l’ambition du présent document.
  • Enfin, l’étoile et les cailloux blancs : ce dernier pilier propose une vision plus poétique de la conduite du changement. Cette « poétique du changement », chère à Edouard Glissant, est
    clairement revendiquée par Jean-François Caron dont l’approche consiste aussi à « conduire la transition par le rêve, l’étoile », à susciter le désir d’agir en proposant un projet collectif
    susceptible de faire rêver les gens et auquel chacun peut contribuer et s’identifier. Mais cela ne suffit pas, car il est également essentiel de baliser le chemin parcouru de réalisations concrètes, de petites victoires qui sont autant de « cailloux blancs » permettant de rendre visibles les résultats obtenus et d’indiquer la direction à suivre

Cette « méthode » aboutit à des résultats thématiques qui touchent de nombreux secteurs du développement durable : transition énergétique, système alimentaire, biodiversité, éco-construction, action sociale, développement économique… Mais aussi des résultats systémiques, des résultats d’ensemble. Elle permet notamment de générer des externalités positives, c’est-à-dire des effets indirects, inattendus et bénéfiques. Ces effets sont multiples (confiance, bien-être, augmentation du pouvoir d’agir, prise de risque collective, plus forte capacité de mobilisation, bénévolat) et constituent un patrimoine collectif immatériel qui renforce l’action publique. Et des mots des Loossois, cela fait de Loos-en-Gohelle une « ville où l’on se sent bien, qui bouge, où l’on fait les choses ensemble » comme le reformulent généralement les Loossois impliqués dans la vie de la commune

Il existe plusieurs niveaux d’implication (information, consultation, coproduction) aux objectifs et aux moyens alloués différents. Pour chacun de ces niveaux, la municipalité a mis en place des outils et des dispositifs d’implication spécifiques.

A Loos-en-Gohelle, la transition démocratique s’entend comme le moyen de conjurer deux risques possibles induits par le changement climatique et la succession de crises graves qu’il pourrait entraîner : l’immobilisme (ne rien faire ou pas assez ; se trouver dans un déni de la réalité) et la dérive autoritaire (refus de la démocratie dans un contexte de déstabilisation systémique). Nous voulons faire le choix d’une troisième voix : celle de conduire le changement selon des concepts de
responsabilisation, de renforcement des individus et de reconnaissance de la légitimité de chacun à se prononcer dans le débat politique. L’enjeu est de réintroduire de la démocratie afin qu’elle ne se limite plus seulement aux rituels de l’élection, mais qu’elle devienne permanente. L’enjeu est que chacun à son niveau (élus, agents, habitants, entreprises) change de comportement non pas sous l’effet de la contrainte, mais par conviction. Il faut que les personnes soient convaincues du bien-
fondé du changement et aient une démarche volontaire pour aller dans ce sens. Car les mêmes personnes peuvent basculer d’un côté comme de l’autre et exprimer aussi bien de la haine et du repli sur soi que de l’amour et de la solidarité. Beaucoup de caractéristiques individuelles sont produites par le contexte social et politique et les comportements de chacun dépendent fondamentalement du cadre politique et de la norme établie par le groupe.

la mairie n’utilise pas le terme « démocratie participative », qui renvoie trop souvent à l’idée galvaudée qu’il suffirait de réunir spontanément des citoyens sur un sujet donné et de recueillir leurs avis pour faire de la participation. On peut participer
de manière passive, alors qu’impliquer requiert une attitude plus proactive. En outre, l'implication permet à chacun de passer à l’action, ce qui constitue une étape nécessaire dans la mise en place du processus de « capacitation ».

4.1. Des résultats sur la qualification des politiques

publiques

4.1.1. Des politiques publiques mieux préparées

Par leur usage d’un aménagement urbain, d’un équipement, ou d’un service public, les Loossois ont une connaissance précieuse des enjeux qui les concernent et peuvent contribuer à éclairer le sujet ou le projet auxquels ils sont associés. Du point de vue qui est le sien, l’usager développe une expertise d’utilisateur, une expertise d’usage, complémentaire de l’expertise technique des agents municipaux ou de l’expertise politique des élus. Cet apport permet de générer de la créativité, de l’intelligence
collective et de mieux qualifier des politiques publiques plus proches des besoins réels de la population.

L’implication habitante se décline de plusieurs manières, en fonction des attentes. Les citoyens peuvent notamment :

  • Être en demande de réponses satisfaisantes aux besoins qu’ils expriment.
  • Signaler des dysfonctionnements des services publics portés par l’administration municipale ou d’autres autorités administratives.
  • Partager des idées, porter des projets relevant de l’intérêt général qui auront besoin d’être accompagnés, soutenus voire repris et approfondis par les pouvoirs publics.
  • Contribuer à la conception, la réalisation et à la gestion de projets de développement (aménager une place publique, un équipement, un service). Ils sont alors confrontés à l’ensemble du dossier et construisent avec les autres parties prenantes les pistes de solutions qui vont permettre de
    décider et de mettre le projet en œuvre.

En résumé, l’implication peut être mise en œuvre de deux manières :

  • Soit la mairie a un projet et elle le mène en y associant les habitants.
    Soit les habitants prennent l’initiative et sollicitent la mairie. Il s'agit d'un stade particulièrement avancé de l'implication, qui témoigne de l'engagement et de l'autonomie des acteurs.

4.1.2. Des résultats structurels durables

Si la participation habitante complexifie et allonge inévitablement la phase d’élaboration des projets,
elle permet néanmoins d’obtenir des résultats structurels durables.
En effet, lorsqu’un habitant, un agent, un élu de Loos-en-Gohelle s’investit dans un projet, consacre du temps et de l’énergie, ce projet devient progressivement le sien. Il se l’approprie. La
mairie a ainsi constaté que les citoyens impliqués dans un processus participatif ont tendance à mieux accepter la décision collective qui en résulte, à commettre moins d’incivilités sur le mobilier urbain et même à se comporter en garants des règles d’usage auprès des autres usagers.

Par exemple, la commune a dû démonter il y a quelques années les modules d’un Skatepark qui ne répondaient plus aux normes de sécurité. Rapidement, de jeunes Loossois, mais aussi des jeunes de communes alentours, également usagers du Skatepark, se sont manifestés auprès de la municipalité pour lui signifier leur mécontentement. Au terme d’un projet mené par le service jeunesse en collaboration active avec ces jeunes et en concertation avec les riverains, un nouveau Skatepark a pu être conçu et construit. Au fil des années et au prix de quelques rappels à l’ordre, la municipalité a constaté que le lieu a été peu dégradé, que les règles d’utilisation de l’espace établies avec les jeunes avaient été respectées et que ceux-ci les faisaient respecter auprès des nouveaux usagers.

4.1.3. Des arbitrages politiques et une démocratie représentative renforcés

L’implication des habitants permet également de renforcer l’arbitrage politique : bien que la décision soit construite collectivement, les élus demeurent, in fine, ceux qui réalisent les arbitrages définitifs.

L’implication habitante ne renie pas toute verticalité, notamment lorsqu’il est nécessaire de trancher entre des positions et des intérêts contradictoires. Le consensus n'étant pas toujours possible (ou aboutissant sur des décisions trop peu ambitieuses), il faut parfois assumer d’aller dans un sens plutôt qu’un autre, malgré le processus participatif. Cependant, si un arbitrage entraîne inévitablement son lot de frustrations et de déceptions, l’expérience montre qu'il est mieux accepté si la décision a été prise en toute transparence, si elle se nourrit du travail préliminaire du groupe et qu’elle est argumentée et fondée.

Cela renforce la légitimité des élus et la confiance qu’ont les habitants en leur capacité à générer de l’intérêt général quand bien même ce dernier va à l’encontre d’intérêts particuliers. Mieux : en étant associés au processus, les citoyens mesurent mieux la difficulté de produire de l’intérêt général et donc la complexité de la tâche qui incombe aux élus.

L’objectif consiste à proposer aux citoyens, parfois installés dans une posture de « consommation d’action publique », une vision, une trajectoire pour la ville dont ils peuvent devenir les acteurs.
Cette démarche se fait au bénéfice de la ville mais aussi au bénéfice de leur propre capacité d’autonomie, d’initiative, les rendant mieux armés pour se saisir des enjeux qui les concernent dans la sphère privée.

A Loos, la mairie a constaté qu’en général, le point de départ de l’implication est un problème qui amène les citoyens concernés
à se manifester auprès d’elle, parfois de façon vindicative : pétition, rendez-vous ou courrier au maire dénonçant une situation désagréable, interpellation des agents ou des /élus dans la rue, en réunion publique, etc. Dans un premier temps, les habitants attendent, légitimement, des services et des élus que leur demande soit satisfaite, souvent immédiatement, et restent focalisés sur leur situation propre. L’expérience montre cependant que les attitudes peuvent évoluer si les citoyens disposent de l’ensemble des éléments de compréhension de leur problème (contexte, parties prenantes, contraintes administratives et réglementaires…), s’ils peuvent faire connaître leur situation personnelle dans un cadre où ils sont écoutés, et s’ils se sont investis personnellement (en donnant du temps et de l’énergie) dans la recherche collective d’une solution.

À travers le temps, certains Loossois, regroupés en associations ou agissant à titre individuel, ont tant adhéré à ce principe informel de co-responsabilité qu’ils se sont sentis – de droit et à raison – suffisamment légitimes pour prendre des initiatives et répondre eux-mêmes à des besoins qu’ils ont jugés non-couverts.

4.2.3. Une communauté loossoise en résilience

L’implication habitante crée du lien entre les différents acteurs qui la font vivre, car chacun peut être amené à dialoguer avec des interlocuteurs qui ne lui sont pas familiers et rencontrer l’altérité : ses voisins, les élus, des associations etc. Elle favorise les interactions et crée des opportunités pour nouer des relations interpersonnelles qui renforcent le tissu social à l’échelle de la ville et concourent à construire un collectif de meilleure qualité.

On constate cependant que ce sont souvent les mêmes personnes qui se mobilisent, poussant la Mairie et les associations à chercher de nouveaux dispositifs pour diversifier les participants, ou opérer plus de rotations entre les volontaires afin d’éviter une forme de lassitude.

4.3.1.1. Les élus passent de décideurs à animateurs du processus décisionnel

La participation habitante change les modalités de fabrication de l’action publique et modifie en profondeur le rôle des élus, qui ne sont plus les uniques garants de l’intérêt général. Ils passent ainsi de la posture unique du décideur qui arbitre unilatéralement et verticalement, à celle de l’animateur
qui supervise et encadre la construction collective de la décision.
Cela ne retire pas aux élus la prérogative de l’arbitrage, notamment dans les cas où le processus n’a pas permis de dégager un consensus. Mais il est essentiel que les élus consentent à laisser place aux habitants, à travailler avec
plus de transparence et à se confronter à eux.

4.3.1.2. Les agents : d’exécutants à facilitateurs des processus participatifs

Comme pour les élus, la posture professionnelle des agents évolue avec la participation habitante qui les amène à s’exposer et à « sortir de leur bureau » pour travailler avec plus de transparence. Bien que tous les postes ne conduisent pas les techniciens à évoluer au contact des habitants, de nombreux agents collaborent régulièrement avec la population. Ils sont soumis aux mêmes exigences de transparence et de pédagogie que les élus et voient leur travail complexifié par les démarches
d’information, de consultation ou de coproduction que la participation induit. Ces nouvelles méthodes entraînent une charge de travail supplémentaire et requièrent un investissement certain de la part des services. Dans cette configuration, ces derniers se mettent au service des élus et des
citoyens et jouent un rôle absolument essentiel au bon fonctionnement des mécanismes participatifs. Ils sont également conduits à assumer une part de responsabilité « politique » qui n’est pas exactement la même que celle des élus mais qui s’avère consubstantielle de la mise en œuvre efficace des processus

Si l’implication leur [les habitant·es] reconnaît de nouveaux droits et introduit de nouvelles exigences pour les élus et les services dans la façon de conduire l’action publique elle donne aussi aux citoyens de nouveaux devoirs. L'implication ne peut se faire au détriment de la santé des agents, sur qui repose l’essentiel de la charge de travail et qui ne peuvent pas répondre à tout. Cette coopération doit se faire de façon harmonieuse et les techniciens demeurent ceux qui mettent en synergie les propositions et qui organisent le travail d’un point de vue technique.

Il arrive aussi que des agents ou des élus participent à des réunions publiques ou des groupes de travail avec les habitants en utilisant une « double-casquette ». Cette « double casquette », clé d’enseignement tirée de l’évaluation ADEME, amène à considérer dans le travail les relations ou les affinités existantes dans la vie personnelle des agents, en capacité d’aider à mener à bien un processus participatif. Par exemple, le Directeur des services techniques, par ailleurs chasseur, connaît très bien le monde agricole loossois. Aussi, lorsqu’il s’agit de discuter avec les agriculteurs et de coproduire des aménagements publics avec leur concours, il est systématiquement mis à contribution, le plus souvent à son initiative. Cela fonctionne parce qu’il y trouve du sens et du plaisir. La Mairie a bien conscience que cela peut présenter des risques et constituer une limite. Elle reste très vigilante à ne jamais chercher à connaître, à investir la sphère privée de ses agents pour la mettre au service de ses intentions politiques.

Il s'agit d'une question majeure qui se pose régulièrement : jusqu’où et comment faciliter l’engagement des agents pour mettre leur subjectivité au service du projet, sans que cela ne leur nuise ou ne constitue du travail masqué ?

4.5. Limites de l’implication des citoyens

4.5.1. Un travail rigoureux, consommateur de ressources

La participation requiert de la part des élus et des agents du temps dédié et un travail rigoureux de préparation. Par exemple, il faut développer une vraie capacité d’écoute pour faire émerger ou bien appréhender les besoins exprimés par les habitants. L’écoute n’est pas une chose innée, il ne s’agit pas seulement d’entendre mais de chercher à comprendre ce que l’autre dit, au-delà de ce qu’il dit ou ne dit pas. C’est un processus d’empathie où l’on cherche à se mettre à la place de l’autre, à comprendre son point de vue et ses contraintes, bien qu’on puisse ne pas être d’accord. Cela suppose de dégager du temps pour interagir avec la personne et qualifier son besoin. Ce temps est souvent perçu comme improductif, mais il s'agit d'un investissement stratégique.

Cela nécessite donc un travail stratégique d’agencement des acteurs à réaliser en amont permettant l’efficacité de la réunion et d’éviter d’éventuels futurs litiges. Or, bien souvent, à Loos-en-Gohelle ou ailleurs, les agents ou les élus sont mus par l’urgence et peuvent omettre d’investir ce temps préalable de préparation. Dès lors, qui sont les garants de la démarche susceptibles de rappeler les bons usages à leurs collègues ? Cette fonction
de vérification, de supervision des processus participatifs n’est pas clairement déterminée en mairie, bien que la Direction endosse plus facilement cette responsabilité.

Bien qu’elles permettent par la suite d’améliorer la qualité des politiques publiques et qu’elles aient un effet positif sur les individus, ces démarches sont donc longues et consommatrices de ressources humaines. Elles impactent de façon non négligeable la charge mentale des parties prenantes et elles représentent une charge de travail additionnelle qui repose souvent sur les agents. Pour peu que cette charge supplémentaire soit mal comprise, non reconnue par la direction, insuffisamment prise en compte et répartie dans l’équipe, cela peut conduire à des résistances, voire à des situations de rupture, comme le burn-out. Il faut donc prendre soin de celles et ceux qui portent les processus
participatifs, qui s’y engagent et s’y investissent. Il faut prêter une attention particulière à leur santé, physique et mentale,
et créer des dispositifs dans le management qui offrent des espaces d’expression libre et de socialisation des enjeux

En termes de ressources financières, la participation n’est pas plus onéreuse que d’autres méthodes, mais elle demande de l’ingénierie et du travail qualifié. Elle requiert donc la mobilisation et du temps de présence de la part de personnes ressources. La mairie manque en particulier d’outils
méthodologiques utiles pour généraliser et automatiser les « bons réflexes à adopter », bien que chaque cas exige des processus réadaptés et réarticulés avec la réalité du moment. L’une des ambitions de ce document est d’ailleurs d’essayer de pallier ce manque d’outil, le manque de formation sur les processus participatifs, notamment pour les nouveaux arrivants.

L’expérience loossoise montre que si la participation demande un temps supplémentaire de formation et d’initialisation, elle permet à terme d’en gagner en générant les ressources collectives et résultats structurels que nous avons évoqués plus tôt.

La confiance s’installe et la parole se libère plus facilement si les
habitants se trouvent face à une personne qui travaille avec et pour eux, plutôt que face au représentant d’une institution. L’implication requiert de se détacher du statut (au moins pendant le temps du débat) et il faudrait presque que les interlocuteurs oublient qu’ils collaborent avec quelqu’un qui travaille ou représente la mairie (c’est le cas pour les démarches participatives qui fonctionnent le mieux).

L’expérience loossoise montre que la conduite du changement passe nécessairement par un changement de conduite individuelle, intime des acteurs. Il s’agit de faire d’une innovation une habitude et d’une habitude un nouveau cadre réglementaire à établir sur le temps long. Il y a un vrai risque de rupture à vouloir aller trop vite. Un discours et un programme trop en opposition avec les habitudes institutionnelles et l’état des consciences sur la transition peut créer des scissions marquées au sein des équipes et favoriser la constitution de mouvements de réactions virulents. On retrouve ici le débat que nous évoquions en introduction : la temporalité de l’urgence écologique est-elle compatible avec celle, beaucoup plus longue, de l’évolution des consciences ? Il nous semble indispensable de poser ces questions et d’en débattre. Malgré tout, le point de vue de Loos-en-Gohelle reste que ce temps est un investissement stratégique et qu’il s’impose comme processus inévitable. Plus nous attendons, plus le décalage temporel et le retard pris seront importants et plus nous prenons le risque, en définitive de ne répondre à rien : ni à l’urgence écologique, ni à la crise démocratique.

Du point de vue des bénévoles, on constate également comme une érosion de l’engagement sur la durée, car ce sont souvent les mêmes qui se mobilisent. Or, il est important que les élus, les services, les acteurs promoteurs de projets soient vigilants au fait que l'engagement est potentiellement épuisant. « On a tué la participation à certains égards » explique Jean-François CARON qui constate que les réunions publiques sans fort enjeu et à l’initiative de la mairie ne mobilisent plus autant les foules que par le passé. Les Loossois ont pris l’habitude d’être consultés et font globalement confiance à l’équipe municipale. Il s’agit d’un résultat en soi mais cela interroge là encore la capacité
à maintenir et renouveler une dynamique participative ambitieuse après plusieurs dizaines d’années de mobilisation.

(…)

C’est le cas du « forum contributif » qui a permis d’identifier les défis de territoires et organiser de grandes festivités le temps d’un weekend. C’est ce moment qui a ensuite donné naissance à « Faites in Loos », temps fort municipal au cours duquel l’engagement des « bâtisseurs » Loossois est reconnu et célébré en famille : de petits exemples qui ne changent pas la tonalité politique mais renouvellent sa portée. C’est le côté agréable de la participation et un levier pour remobiliser et lutter contre l’érosion de la motivation : prendre du plaisir reste le meilleur moyen de conduire et reconduire tout processus participatif.

4.5.2. La participation génère de la demande

L’implication a pour effet de susciter des attentes et une certaine exigence de la part de Loossois qui attendent de la mairie une systématisation des méthodes participatives, indépendamment de la nature des projets. Or tout ne peut pas toujours et tout le temps être coproduit avec les habitants, ne serait-ce que du fait des délais administratifs auxquels la mairie est tenue de répondre ou bien du fait de sa capacité de charge qui n’est pas extensible à l’infini. Cela demande donc de l’arbitrage :
quel niveau de participation ? Information ? Concertation ? Coproduction ? Quel périmètre géographique ? Quelle équipe humaine dédiée ? Ces questions sont des questions qui reviennent en permanence dans les processus décisionnels de Loos-en-Gohelle. Les réponses nécessitent là encore un arbitrage qui ne peut se faire par les élus seuls mais doit prendre en compte la capacité de charge des agents.
Ouvrir des espaces d’implication génère de l’engouement et il arrive que la municipalité peine à gérer l’afflux des sollicitations en raison des limites de ses moyens humains et financiers disponibles.
Elle peut ainsi faire face à une forte charge de travail et se mettre en difficulté vis-à-vis des porteurs de projet.

« C’est clairement une des difficultés que l’on a : plus on fait de participation, plus on éveille l’intérêt des habitants et plus les gens comprennent comment ils peuvent améliorer les choses en fonction de leurs intérêts particuliers mais avec le sens de l’intérêt général, pour beaucoup. Donc ils sont plus en demande, ils proposent plein de projets intéressants, que l’on a envie d’essayer, mais tu produis, tu produis et à la fin... c’est un peu compliqué de tout gérer ». Geoffrey Mathon, le Directeur Général des Services, témoigne ici de la tension qui existe entre l’attitude volontaire des équipes qui souhaitent répondre à toutes les sollicitations et leur capacité réelle à mener de front un trop grand nombre de projets. L’expérience de Loos-en-Gohelle montre qu’il vaut mieux se concentrer sur des sujets que l’on peut réellement tenir plutôt que de formuler des promesses difficiles à tenir par la suite. C’est le retour des cailloux blancs : s’entraîner, prendre de l’expérience grâce à de petites réalisations participatives concrètes permettant une montée en charge et une capacitation collective progressives.

Ouvrir des espaces de sociabilité où chacun peut intégrer un collectif, s'y engager et s'y exprimer est donc essentiel et constitue un investissement immatériel stratégique pour demain !

5.1.2. L’engagement du côté des services : entre sécurisation technique des processus et reconnaissance du sens politique

Cependant l’implication ajoute aussi de la complexité dans le quotidien des agents. Elle pose des difficultés qui sont sources de gêne et d’insécurités dans leur travail. Cela peut se traduire de plusieurs manières. Par exemple, la participation introduit de l’incertitude : il est difficile de déterminer à l'avance le temps nécessaire à la mise en place d'un processus participatif, les sujets qui émergent ne peuvent jamais être totalement encadrés, anticipés et parfaitement préparés en amont, ce qui conduit les agents à devoir faire preuve de souplesse et d'adaptabilité. Cela nécessite un certain sens du travail en groupe, de solidarité, voire un certain sens politique, afin de se faciliter la tâche par la suite