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Limites Numériques #17

limitesnumeriques.substack.com · 7 min

Que vous le vouliez ou non, les entreprises de la tech mènent une stratégie agressive pour faire de l’IA la norme. Les enjeux financiers sont tels que jamais une fonctionnalité n’aura autant été poussée en si peu de temps, spatialement, graphiquement, interactivement et de manière autant répétée dans nos sites web, services et logiciels.

Les fonctions d’IA ont tendance à occuper beaucoup d’espace dans les interfaces et prennent la place la plus précieuse. Sur Snapchat ou Google, l’IA s’intègre comme une simple conversation. Sur Google Keep elle prend même le bouton le plus important. Une même fonction est même répétée à plusieurs endroits de l’interface comme sur Adobe Reader.

La mise en avant de l’IA passe aussi graphiquement à l’aide d’une couleur spécifique ou d’une animation, alors que les autres fonctionnalités restent statiques et en noir et blanc.

Vous n’êtes parfois qu’à un clic d’utiliser l’IA, y compris par erreur. Dans Notion, il suffit d’appuyer sur la barre d’espace pour la déclencher, alors que tout autre commande exige d’appuyer sur des touches moins fréquentes.

L’IA est très souvent présentée comme merveilleuse et magique. L’icône "✨" fait habituellement référence à quelque chose de spécial, de nouveau et caractérise l’émerveillement, tandis que les icônes des autres fonctions illustrent plutôt ce qu’elles font (⚙️🗑️📅📎...). Sans oublier l’omniprésence de la couleur violette ou mauve, souvent associée à la magie. Cette métaphore de la magie n’est pas anodine. Elle positionne l’IA comme un outil à tout faire sans jamais dire ce qu’elle ne fait pas. Aboutissant à l’invisibilisation de sa matérialité et imposant l’idée qu’elle rend nécessairement les choses plus faciles.
Parfois certains services vont même jusqu’à changer complètement leur identité aux couleurs de l’IA (Qwant)

Quand elle n’est pas magique, l’IA emprunte souvent des caractéristiques humaines (avec des prénoms ou des visages) et mobilise la métaphore de l’“assistant”. On peut y voir une manière de la présenter comme désirable et performante tout en se plaçant comme une aide utile aux personnes sans jamais se positionner comme un remplacement de l'humain.

Et ça, j'avoue, ça a le don de m'énerver de vouloir pouponner les utilisateurs pour leur donner l'impression qu'ils sont irremplaçables, et super intelligents, et qu'ils "méritent" d'avoir un petit robot bien docile à leur service

il nous semble que la manière dont les entreprises nous poussent à adopter des usages plus consommateurs de ressources passe aujourd’hui sous le radar.

L’Arcep et l’ADEME ont publié une mise à jour des données sur l’impact écologique du numérique en France, prenant en compte cette fois-ci l’impact des data centers localisés à l’étranger pour les usages basés ici. Quelques chiffres clés :

  • L’empreinte carbone du numérique est passée à 4,4% des émissions nationales (au lieu des 2,5%).

  • La répartition des émissions a aussi un peu changé :

    • 🟩 = 4% lié au réseau
    • 🟦🟦🟦🟦🟦🟦🟦🟦🟦 = 46% lié aux data centers (contre 16% avant)
    • 🟪🟪🟪🟪🟪🟪🟪🟪🟪🟪 = 50% lié aux terminaux
  • L’équivalent de la consommation électrique de l’Île-de-France est nécessaire aux usages numériques des français·es.

Par rapport aux études précédentes, on note une forte hausse de la part liée aux data centers. L’étude rappelle également qu’elle ne prend pas en compte la montée en puissance des IA génératives.