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En prévision des élections législatives allemandes, six médias locaux et le site d’investigation Correctiv ont lancé une enquête inversant les rôles : au lieu de couvrir des sujets choisis par les partis politiques, ils ont demandé aux électeurs les préoccupations qu’ils voulaient voir aborder pendant la campagne. Plus de 2000 personnes ont suggéré des questions précises sur le logement, la mobilité, l'immigration ou la crise climatique qui ont alimenté des reportages.

Google veut tester le retrait des articles de presse : Après X (ex-Twitter), que son propriétaire Elon Musk manipule à son avantage ; après Meta (Facebook), qui décide d’arrêter son programme de fact-checking, voici que Google s’apprête à tester auprès de 2,6 millions d’Européens le retrait des contenus journalistiques de son moteur de recherche, au grand dam des éditeurs et de RSF. La raison officielle ? Mesurer l’attrait réel du public pour les articles de presse afin de peser dans les négociations sur les droits voisins, ces sommes versées aux éditeurs pour pouvoir reprendre leurs articles. Problème : Google ne s’est pas engagé à donner accès aux résultats. Surtout, son attitude constitue une atteinte grave au droit à l’information alors que son moteur de recherche est - de loin – le principal point d’accès à la presse.

Et si nous écoutions... vraiment ?

Nina Fasciaux se livre à une analyse critique et éthique des travers d’une société dans laquelle l’écoute fait défaut (1). Y compris chez les journalistes.

L’information divise alors qu’elle est censée aider au vivre-ensemble en offrant des clefs de compréhension du monde. La journaliste Nina Fasciaux s’est penchée sur ce paradoxe perturbant pour tenter d’en comprendre les causes. Son analyse, toute en finesse, aborde le « déficit d’écoute collectif » de notre société. Nous serions trop occupés à nous positionner, sans chercher à nous mettre à la place de l’autre, à le comprendre. D’où la multiplication de récits binaires et la bipolarisation de la société.

Cette tendance est « accéléré par les médias », poursuit-elle, en raison d’un manque d’écoute des journalistes. Un comble ! « Nous avons tendance à traiter nos sources comme des ressources, dont nous pouvons extraire ce dont nous avons besoin (…) Une écoute intéressée n’est pas de l’ordre de la vraie écoute. »

Nina Fasciaux est la représentante en France du Solution Journalism Network, un réseau qui promeut une approche constructive des enquêtes, susceptible de faire émerger des solutions. À ce titre, elle observe et analyse les (dys)fonctionnements de la profession. Elle prône de s'intéresser autant aux problèmes qu'aux réponses qui peuvent émerger, d'abandonner toute posture de surplomb vis à vis de ceux à qui les journalistes donnent la parole, et de prendre conscience des préjugés qui peuvent biaiser l'échange.

L’écoute n’est pas innée. C’est une compétence qui s’acquiert. Or il n’existe aucune formation à l’écoute dans les écoles (qu’elles soient ou non de journalisme). Entendre n’est pas écouter ; voir n’est pas regarder... Pour restaurer une bonne qualité d’écoute, Nina Fasciaux propose quelques techniques, comme celle du looping qui conduit à reformuler systématiquement les réponses données par l’interviewé.e afin de s’assurer de sa validation. Elle appelle à un sursaut global : « Moins une personne se sent entendue, plus elle a tendance à se conforter dans des positions extrêmes, plongeant la tête la première dans le piège de la polarisation », avertit-elle.

Nina Fasciaux en veut pour preuve l’initiative « Faut qu’on parle », testé fin 2024 en France par le quotidien La Croix et le média 100 % vidéo Brut. L’idée ? Faire se rencontrer en tête à tête deux personnes aux opinions différentes, non pour chercher à convaincre l’autre, juste pour échanger. Le résultat est instructif : si peu de personnes changent d’avis après l’expérience, la polarisation affective (c’est-à-dire les sentiments négatifs vis-à-vis de l’autre) diminue drastiquement.

« Plus que jamais, il va nous falloir réviser nos croyances, notre vision du monde, nos présomptions… et le journalisme a un rôle majeur à jouer en ce sens », conclut Nina Fasciaux. Un plaidoyer pour une « écologie de l’attention » à… écouter pleinement.