Assistante dans un centre de formation, âgée de 58 ans, elle a subi un accident du travail en mars dernier. Jusqu’en septembre 2024, elle perçoit ses indemnités de manière normale. Elle ne touche rien en octobre et en novembre. Puis en décembre elle perçoit seulement 200 euros. Sylvie Dalibert finit par apprendre, tardivement explique-t-elle, le dysfonctionnement du logiciel Arpège. L’assurance-maladie lui doit désormais plus de 1 400 euros.
En attendant, deux de ses loyers n’ont pas pu être payés, des prélèvements d’énergie ont été rejetés et elle cumule des frais bancaires à cause de son découvert. Elle aussi a dû s’inscrire aux Restos du cœur, à regret, comme d’autres victimes du bug.

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Il poursuit : « Le problème, c’est que vu nos niveaux de rémunération, on n’arrive pas à recruter, d’où la situation de quasi-monopole de Sopra Steria. » La Cour des comptes au mois de mai a d’ailleurs pointé la trop « forte dépendance » de la Cnam aux outils technologiques et logiciels externes. De son côté, l’assurance-maladie dit mettre en place, dans le cadre de la Convention d’objectifs et de gestion conclue avec l’État en 2023, « une stratégie de ré-internalisation progressive destinée à renforcer sa capacité de développement interne sur les nouveaux projets ».
Pour épauler ses agent·es, la Cnam a mis en place un « dispositif d’entraide » et a dû réquisitionner les équipes techniques mais aussi plus de 125 agent·es travaillant dans d’autres Cpam. Tout cela afin de prendre en charge les réclamations des assuré·es et d’aider au paiement des indemnités journalières.
Quelle que soit la configuration, la charge de travail reste considérable, avec une perte de sens pour les agent·es, démuni·es face à la détresse des assuré·es et face à un outil qu’ils ne maîtrisent plus.
Benjamin Sablier rapporte que les salarié·es aux prises avec ces dysfonctionnements sont « par terre ». « Quand vous avez vingt fois dans la journée quelqu’un qui vous dit : “Je ne sais pas comment je vais nourrir mes enfants ce soir” ou “ J’ai reçu la lettre d’expulsion de mon logement”, à un moment donné, ça ne glisse plus. Outre la charge mentale, vous êtes confrontés à un conflit de valeurs, surtout quand vous êtes attachés à la Sécurité sociale et à sa mission de service public. »
Et les faits semblent lui donner raison. En mars 2023, face à une situation intenable, le comité social et économique (CSE) de la Cpam de l’Ain a diligenté une expertise sur les risques psychosociaux. Le résultat est accablant. Dans son rapport, le cabinet mandaté met en évidence les difficultés liées à Arpège-TI.
Les salarié·es de cette équipe font, selon les expert·es, « face à de grandes difficultés et ont développé de nombreux troubles (anxiété généralisée, trouble alimentaire avec perte de poids, arrêt de travail, suivi psychiatrique, prise d’antidépresseurs, crises de larmes au travail, troubles psychosomatiques…) ».
Même l’encadrement le reconnaît, dit l’étude. Elle relève aussi que les critiques de l’encadrement envers les salarié·es qui ne parviennent pas à résoudre les soucis du logiciel aggravent le problème initial. « Psychologiquement, c’est insupportable », juge Lydie Moreau.
Mais que faire ? Pascal Cayeux est formel. « Le discours de la Cnam depuis le début est le même : ils disent qu’il n’y a pas de retour en arrière possible. Il n’y a pas de plan B, c’est Arpège ou le chaos. Pour eux, il est techniquement quasiment impossible de revenir en arrière. » Notamment eu égard à l’argent investi. Entre 37 millions et 56 millions d’euros d’après les estimations, si on inclut la maintenance. Un montant que la Cnam se refuse à commenter ou confirmer. Selon la cadre de la Cpam citée plus haut, lors des réunions nationales à distance, la question du report de la généralisation revient chaque mois.