Les réseaux sociaux deviennent très vite l’instrument
principal de la surveillance. Les faux pas sont traqués
sur les profils personnels et dans les commentaires.
Elisa*, mère de famille sans histoire qui travaille à la
mairie depuis quinze ans et est très appréciée de ses col-
lègues, a ainsi confié ses inquiétudes à un syndicaliste
qui me raconte : « Bilde s’est un jour rendu dans son
bureau et il a commencé : “M. le maire a reçu un mail
avec en copie votre profil Facebook. Il est tombé de sa
chaise. Vous aimez des pages comme ‘Hénin-Beaumont
est antifasciste’ et des caricatures de Marine Le Pen.”Les cas similaires sont multiples… Florence Binaisse,
épouse de mon collègue d’opposition divers gauche
Geoffrey Gorillot, me raconte encore : « Pendant un
conseil municipal, Geoffrey a mis un commentaire
qu’une employée municipale a aimé. Eh bien en direct,
Bilde a envoyé un message à sa chef de service qui l’a
rappelée à l’ordre : “Tu viens de mettre un ‘j’aime’, Bilde
m’a déjà appelée, tu vas te faire convoquer, enlève-le
tout de suite.” Une autre fois, une employé a ‘liké’ une
photo de Geoffrey et moi, bien habillés, à un mariage,
qui n’avait absolument rien de politique. Elle a reçu les
mêmes types de reproches. » Flippant !
editionslesliensquiliberent.fr · 2 min
Added by Maïtané
Avec des mouchards en poste à tous les étages, le maire
et son fidèle acolyte, Bruno Bilde, espèrent pouvoir épier
tous les employés. Ceux-ci commencent à se méfier les
uns des autres dans un mélange d’angoisse et de honte.
Ils se mettent à regarder leur téléphone et leur ordi-
nateur avec toujours plus de suspicion. Le climat est
étouffant, la psychose prospère. Des histoires de plus
en plus folles commencent à circuler. L’un ne reconnaît
pas son interface et apprend auprès de ses collègues que
son ordinateur a été « emprunté » en son absence par des gars qu’ils ne connaissaient pas. Une autre, respon-
sable de service qui a quitté la mairie en 2015 comprend
qu’elle ne peut plus recevoir d’e-mails venant de l’exté-
rieur de la mairie : « Je m’en suis rendu compte parce que
la mission locale n’avait pas de réponses à une demande
et a fini par m’appeler. Quand j’ai posé la question au
service Informatique, ils m’ont dit qu’il n’y avait pas de
souci particulier et que c’était juste “une case qui s’était
décochée” de leur côté. Mais bon, une case, ça ne se
décoche pas tout seul…
À cette époque, Marc*, directeur du service Infor
matique voit régulièrement des gens inquiets débouler
dans son bureau : « Est-ce que mes e-mails peuvent
être lus ? – Est-ce que les téléphones portables sont sur
écoute ? Géolocalisables ? – Est-ce qu’on peut voir ce
qu’il se passe sur nos écrans ? » À toutes ces questions
Marc répond que « techniquement, c’est possible ». Il ne
peut se prononcer sur l’effectivité de ces contrôles pour
une raison bien simple : il a très rapidement été écarté du
processus décisionnel.
ontenu des recherches.
Un jour, Édouard Blanc revient d’une audience
au tribunal administratif avec un collègue du service
Informatique. Sur le trajet, celui-ci lui confie, sur le ton
de l’étonnement, qu’il a été sollicité par Bruno Bilde :
ce dernier projetait d’utiliser le téléphone fixe de Franck
Gluszak, directeur de l’accueil du public, pour espionner
tout ce qui pouvait se dire dans son bureau. Sa cible est
tout sauf un hasard : Franck Gluszak est membre du
bureau de la CGT, et discute régulièrement dans cette
pièce avec René Gobert, secrétaire général de la CGT
des territoriaux, et un autre syndicaliste. Le plan machia-
vélique tombe heureusement à l’eau : « L’agent du service
informatique lui a répondu que son projet n’était pas
réalisable. »
Mais ce n’est que partie remise. En janvier 2016, la
municipalité finit par faire installer des caméras de vidéo-
surveillance dans l’hôtel de ville. est révélée, un mois plus tard, par La Voix du Nord, une
polémique éclate. Sont-elles là pour « surveiller les tra-
vailleurs » ? Permettent-elles de zoomer ? De voir ce que
les agents tapent sur leurs écrans ? Enregistrent-elles
les conversations ? Les salariés ont mille questions. Ils
craignent pour leur liberté.
(…) j’y vois
surtout une forme de violence psychologique : branchées
ou non, les caméras induisent une pression permanente
qui n’a rien de fortuit. Quoi que vous fassiez, vous vous
dites « Bruno Bilde is watching you ».
j’écris un post de blog sur le
marché aux puces. Une fouille des sacs était organisée
à l’entrée alors qu’à l’intérieur se trouvait un énorme
stand d’armes. Je souligne la contradiction dans un billet
ironique diffusé sur Facebook. Quelques heures plus
tard, Elisa commente en écrivant : « Effectivement c’est
contradictoire. » Je ne relève même pas : je ne la connais
pas, j’ignore qu’elle est employée municipale, et son
message se noie dans la masse de commentaires du même
genre. De son côté, les choses prennent des proportions
inattendues : alors qu’elle est sur la route des vacances,
elle reçoit une salve de textos inquisiteurs de la part de
Bruno Bilde. Le syndicaliste qui m’en informe plus tard
en a fait constater le contenu par huissier « pour protéger
la collègue ».
Bruno Bilde. – Ça vous dérange pas de diffamer la
mairie qui vous paye alors que nous ne pouvons pas
interdire un stand qui relève exclusivement de l’asso-
ciation qui organise ? Tout est bon pour nous salir et au
diable le devoir de réserve. Vos propos publics sont inad-
missibles.
Elisa. – Arrêtez de croire que je vous attaque, on parle
d’un marché aux puces organisé par une association qui
prend avec votre aide des dispositions pour davantage
de sécurité, mais qui accepte ce genre de stand…
donc oui j’ai encore le droit de penser que cela paraît
contradictoire. Je suis désolée si vous imaginez que je critique tout le temps la municipalité car c’est tota-
lement faux.
B. B. – Le post de Tondelier ne critique pas l’asso-
ciation mais uniquement et à tort la mairie. Vous
répondez qu’effectivement c’est contradictoire.
E. – Vous interprétez mal cette publication.
B. B. – Le maire appréciera souverainement.
E. – Je lui répondrai la même chose, j’accepte de le
rencontrer pour éclaircir cela sans souci.
B. B. – En attendant je vous laisse méditer ce vieux
proverbe : on ne mord pas la main qui vous nourrit.
Cette volonté d’avoir prise sur les opinions est scanda-
leuse. Un avocat défend plusieurs agents en contentieux
administratifs : « Donner des instructions même orales à
des agents pour leur interdire de “liker” telle ou telle page
Facebook est une intrusion dans leur vie privée. L’agent
fait ce qu’il veut sur un profil personnel. La comparaison
avec d’autres lieux de travail est assez éclairante : en droit
social, on ne concevrait pas que la direction de Renaud
interdise à un employé d’aimer une page Peugeot. Ici,
ce n’est pas parce que ce sont des agents de la fonction
publique qu’ils doivent dire “amen” à tout. Ils ont aussi
le droit d’avoir une vie privée et une opinion. »
Cette surveillance généralisée a des conséquences
attristantes sur les relations humaines. Un agent :
« Comme on ne sait plus à qui on peut faire confiance,
plus personne ne se livre. » L’ambiance au travail en est
durablement affectée. Un cadre : « Plus personne ne
ramène de croissants le matin. L’état d’esprit a changé. »