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#67 : Ecologie et démocratie participative : du flan ?

nourrituresterrestres.fr · 17 min

Dans le domaine de la transition écologique, on entend de plus en plus l’idée que ces dispositifs seraient des instruments de mobilisation citoyenne. Sauf que là encore, si on regarde vraiment ces dispositifs, on se rend compte qu’on est plutôt dans une logique de gouvernementalité que de démocratisation.

D’une part parce qu’il y a clairement un cadrage « pédagogique » de ces dispositifs : quand on regarde les finalités données à ces dispositifs, il s’agit de faire participer pour éduquer. C’est ce qui ressort de manière constante dans tous ces dispositifs (budget participatif, participation sur les plans climat, etc.) : il « faut » faire participer, dans le but d’éduquer. C’est un cadrage pédagogique extrêmement prégnant.

Il y a une répression des initiatives associées à un discours jugé trop radical (à l’égard d’un projet, d’un modèle de développement, etc.) et une valorisation d’initiatives plutôt consensuelles, qui apparaissent comme suffisamment conformes aux modèles dominants. Les premières sont systématiquement écartées, les secondes soutenues.

On retrouve ici ce qu’on appelle l’habillage participatif du gouvernement des conduites écologiques : le fait de valoriser les chantiers participatifs, les composteurs partagés, tout un tas de défis…et de mettre l’accent sur le fait de faire participer – mais participer à quoi ? En réalité, à la mise en œuvre de politiques décidées par ailleurs. On a donc ici verrouillé la participation dans l’espace de la décision, et on l’amplifie, on la déploie, dans l’espace de la mise en œuvre. C’est un élément central pour comprendre le succès de ces dispositifs de participation citoyenne.

La participation citoyenne a connu une institutionnalisation en trompe-l’œil. Le succès quantitatif de ces dispositifs n’est pas du tout le signe d’une démocratisation de l’environnement. Je ne suis pas du tout convaincue par les discours disant qu’on assiste à l’émergence d’une démocratie environnementale.

Il est aujourd’hui possible de mettre en œuvre des processus de participation sans se poser la question du « pourquoi on fait participer ». C’est précisément cette participation en kit, cette standardisation, qui explique leur recours massif. On a réduit la participation à cette logique de procédures. Ainsi on va pouvoir compter des propositions ; compter des « éléments participatifs »… Mais tout ça dispense de réfléchir à quoi on fait participer.

C’est la dépolitisation des processus participatifs qui a été la condition de leur succès. Cette dépolitisation se traduit par la déconnexion des procédures participatives avec les processus décisionnels. On va créer un événement participatif et on ne pense pas sa connexion à la décision, ou on empêche sa connexion à la décision.

Je ne suis pas du tout en train de dire que la participation citoyenne n’est pas nécessaire. Je dis que si on ne repolitise pas la participation citoyenne, si on se contente de penser en termes de procédures, si on ne réfléchit pas à quoi on doit faire participer, à quelles conditions on doit faire participer, il n’y a aucune chance que ces dispositifs de participation contribuent à déverrouiller la transition écologique.

Au contraire, même : l’institutionnalisation de ces dispositifs participe à institutionnaliser une conception dépolitisée de la transition.

Au lieu d’avoir un cercle vertueux (une participation qui serait une forme de repolitisation des enjeux environnementaux), on a un cercle vieux de dépolitisation de la participation qui participe à verrouiller la transition.

Il faut repolitiser la participation citoyenne pour déverrouiller la transition. »