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cae-eco.fr · < 1 min

Parmi notre échantillon de 2006 résidents français, le changement climatique est un problème important pour quatre
répondants sur cinq. Ceux-ci ont une vision sombre des conséquences du changement climatique d’ici la fin du siècle si rien n’est fait pour le limiter. Une majorité considère « très probable » qu’il y ait davantage de canicules et de sécheresses, une hausse des flux migratoires, ou une hausse du niveau de la mer. Même si la majorité pense que le changement climatique ne les affectera personnellement que modérément, trois répondants sur quatre estiment que la France doit prendre des mesures pour lutter contre le changement climatique.

La disposition à limiter l’usage de la voiture, la consommation de bœuf, ou le chauffage et la climatisation du logement est modérée. Dit autrement, seule une minorité de répondants semble disposée à modifier en profondeur son mode de vie, du moins de son propre chef.

L’adoption d’un mode de vie décarboné dépend de certains facteurs. Ainsi, six répondants sur dix considèrent comme « très important » que les plus riches changent aussi leur comportement pour qu’eux-mêmes soient disposés à changer le leur. Il importe aussi que leur entourage change également de comportement, d’obtenir un soutien financier suffisant, ou de voir mettre en œuvre des politiques climatiques ambitieuses.

^ (on est pas dans la merde 😬 )

Une majorité perçoit chacune des trois mesures comme neutre ou régressive d’un point de vue redistributif. Pour la taxe carbone avec transferts et l’interdiction des voitures thermiques, les personnes à bas revenus et les classes moyennes sont perçues comme perdantes par une majorité de répondants. Pour chacune des mesures, il y a systématiquement plus de répondants qui pensent que les personnes à hauts revenus seraient gagnantes que de répondants qui pensent qu’elles seraient perdantes.

La variation du soutien aux politiques climatiques s’explique avant tout par les perceptions concernant leurs effets redistributifs, leurs effets sur son propre ménage, ainsi que leur efficacité en matière environnementale. L’indice de soutien aux trois mesures principales et un indice qu’elles sont perçues comme justes sont corrélés à 85 %.

Pour mesurer l’effet de l’information sur le soutien aux mesures climatiques, nous présentons à certains répondants choisis aléatoirement une vidéo Impacts portant sur les effets du changement climatique dans le pays4 et/ou une vidéo Politiques expliquant le fonctionnement et les effets des trois principales politiques climatiques.

Le visionnage des vidéos Impacts et Politiques a des effets significatifs sur le soutien à chacune des trois mesures principales

Constat 5. Le soutien aux mesures de
tarification carbone est nettement plus élevé
lorsque les recettes financent des transferts
pour compenser les ménages vulnérables ou
des investissements verts.

Une particularité française (avec l’Australie et les États-Unis) est que les plus jeunes soutiennent davantage les mesures climatiques. Dans la plupart des autres pays, les plus âgés ne soutiennent pas moins les mesures ; ils les soutiennent même davantage dans les pays asiatiques et dans certains pays à revenus moyens.

Concernant les indicateurs énergétiques, deux variables se démarquent comme prédicteurs du soutien : la disponibilité des transports en commun, et l’usage de la voiture dans la vie quotidienne. Si ces facteurs sont importants dans tous les pays, c’est en France que l’usage de la voiture a le plus fort effet sur le soutien. La France est aussi un des pays où le fait de manger du bœuf régulièrement ou de travailler dans un secteur polluant a le plus fort effet. Conditionnellement à ces facteurs, on ne trouve pas d’effet significatif des autres variables : taille de l’agglomération, dépenses de gaz ou d’essence, fréquence des vols en avion, ou le fait d’être propriétaire.

Concernant la répartition des efforts de réduction d’émissions, quand on leur demande en proportion de quoi les pays devraient payer les investissements nécessaires, 71 % des répondants sont d’accord pour que ce soit proportionnellement aux émissions des pays, 66 % proportionnellement à leurs revenus, et 51 % proportionnellement à leurs émissions cumulées depuis 1990. En outre, une majorité de répondants estime que les pays à bas revenus ne devraient pas avoir à payer pour les réductions de leurs émissions et devraient même recevoir de l’aide des pays riches. Ces réponses témoignent d’une conscience du besoin de juste répartition des efforts au niveau mondial.

Notre étude montre que l’effet des informations portant sur le changement climatique lui-même est limité, car la grande majorité des citoyens est déjà consciente du problème et de ses conséquences. En revanche, notre étude suggère qu’il existe un clair déficit de connaissances sur l’effet des politiques publiques, notamment en termes de progressivité, et démontre que fournir de l’information sur ces éléments a un effet très fort sur les perceptions des mesures.

Notre deuxième recommandation est donc d’offrir aux citoyens l’information nécessaire sur les trois aspects clés des politiques climatiques : efficacité à réduire les émissions, équité et intérêt personnel. D’autres études confirment la nécessité d’une information ciblée et centrée autour des effets distributifs et d’efficacité. Par exemple, Maestre-Andrés et al. (2021) montrent que fournir de l’information sur l’impact environnemental et distributif d’une taxe carbone en Espagne a un effet positif sur l’acceptation. En Colombie-Britannique, Rhodes et al. (2014)12 montrent à l’aide d’expériences d’information que le soutien pour la taxe carbone augmente avec son efficacité perçue. Pour la France, Douenne et Fabre (2022)13 montrent que le soutien à la taxe carbone s’explique entièrement par les trois croyances mises en évidence dans notre enquête : efficacité, progressivité et intérêt personnel.

Notre étude souligne aussi que de nombreux citoyens ont des perceptions pessimistes sur l’impact des politiques environnementales sur leur propre ménage. Il est donc nécessaire de leur offrir des simulateurs simples et interactifs afin qu’ils puissent estimer l’effet des réformes proposées sur leur propre ménage (c’est-à-dire sur des ménages qui ont le même niveau de revenu et situation).

Un apport fondamental de notre enquête est de révéler qu’une taxe carbone augmentant le prix des carburants de 10 centimes par litre obtient un soutien largement majoritaire dès lors que les recettes sont redistribuées pour compenser les ménages vulnérables ou financer des alternatives décarbonées.

Notre enquête a montré que la majorité de la population n’est pas prête à adopter un mode de vie compatible avec une baisse radicale des émissions si les plus aisés ne font pas de même.
Les répondants ne sont pas seulement inquiets des effets redistributifs des politiques climatiques, mais expriment également des réticences très fortes face à la perspective que les plus riches puissent conserver certaines activités qui seraient rendues inabordables pour les classes moyennes. Ainsi, une large majorité des répondants préfère une interdiction pure et simple des voitures thermiques plutôt qu’un fort malus à l’achat d’une telle voiture (le malus de 10 000 euros correspondant au règlement récemment soutenu par le Conseil européen et Parlement européen).

Dans tous les pays sur lesquels a porté l’enquête, les répondants comprennent que les pays à hauts revenus ont une responsabilité historique vis-à-vis du changement climatique, que la réponse au changement climatique doit être mondiale, et que la répartition des efforts de réduction d’émissions entre les pays doit être juste. Deux principes de justice sous-tendent le soutien à des mesures mondiales : le principe pollueur-payeur, et un égal droit à polluer pour chaque humain.