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Uber : Macron, VRP du néant - Par Thibault Prévost | Arrêt sur images

arretsurimages.net · 27 min

L'ex-secrétaire d'État chargé du numérique Cédric O, d'abord, qui "peine à voir ce qui est répréhensible" (logique, vu son expérience avec les lobbies tech…) et préférerait qu'on se demande si Uber est "une bonne chose socialement et économiquement" pour le pays.

Mais à lire ces réactions, (…) c'est une autre impression qui émerge. Celle d'un jeune ministre de l'Économie pas uniquement lié à Uber pour de basses raisons financières, (…). Mais aussi par ce que le Monde décrit tour à tour comme une "forte proximité idéologique", une "porosité" et une "symbiose" entre le jeune ministre et la start-up la plus cool du lycée. Il se joue alors quelque chose de moins définissable que les traditionnelles affaires de corruption d'élus, noyées dans les eaux glaciales du calcul égoïste.
Quelque chose de l'ordre de la connivence énamourée sur l'autel du néolibéralisme. En résumé, Macron… aime Uber.

Le scandale, c'est de constater qu'un président en exercice, alors ministre de l'Économie, n'a même pas eu besoin d'être acheté pour privilégier Uber au détriment de l'intérêt général.

S'il y a scandale d'État, c'est au moins sur ce point : Macron, par conviction idéologique, a carrément aidé une entreprise étrangère à violer l'État de droit : Uber a refusé de fermer pendant neuf mois son service de conducteurs particuliers sans aucune licence, UberPop, ce qui lui vaudra une condamnation en septembre 2021 pour "concurrence déloyale". Le scandale, c'est de constater qu'un président en exercice, alors ministre de l'Économie, n'a même pas eu besoin d'être acheté pour privilégier Uber au détriment de l'intérêt général. Il s'est décarcassé pour eux. Parce que la radicalité de l'entreprise, sa "stratégie du chaos" décrite par l'enquête, rappelle à bien des égards la praxis du président : agressive, impatiente, autoritaire.

Uber a su, en revanche, réactualiser le prolétariat à l'âge des smartphones et des algorithmes de notation et créer en France, nous apprend Libération, 30 000 smicards sans statut (pour 150 salariés) qui travaillent souvent sept jours par semaine, dans les angles morts de l'État-providence. Il y a un nom pour ça : le techno-féodalisme, où le "progrès" génère des inégalités sociales plus proches du 19e que du 20e siècle. Les serfs d'aujourd'hui sont jeunes, racisé·es, déclassé·es. Ceux que le pouvoir oublie, réprime ou méprise. Il faut entendre la violence chorale inouïe du PDG et du président quand ils leur soumettent le deal : c'est soit Uber, soit vendre du shit à Stains, rien d'autre.

Ensemble, Uber et Macron ne créent pas d'emplois : ils démembrent le travail.

Sommé de s'expliquer devant les micros, le VRP en chef [Macron] assumait à fond et promettait qu'il "le referait demain et après-demain".
La formule est aussi une promesse sinistre : il le refera, demain, après-demain et à chaque fois qu'il pourra trahir à nouveau l'intérêt général. Ce serait, selon les exégètes officiels de la parole présidentielle, le fonctionnement normal d'une démocratie saine. Pas de quoi s'inquiéter. Car il n'y a pas de scandale Uber. Il n'y a que le cancer néolibéral et un pays métastasé jusqu'à sa tête.