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Comment manipuler les élections avec l'abstention, l'intimidation et le dégoût - Hacking social

hacking-social.com · 23 min

À l’élection présidentielle de 2017, je me rappelle que pas mal de gens sur les réseaux sociaux vantaient l’abstentionnisme comme une forme de militantisme. Ils encourageaient à ne pas se déplacer aux urnes comme acte de protestation. Problème : d’une part, il est impossible de distinguer l’abstention qui serait due à des circonstances absolument non militantes de celles qui le seraient ; et d’autre part, un niveau d’abstention élevé n’amorce aucun changement structurel (et sera très souvent récupéré par des partis politiques de tous bords qui pourront y plaquer l’interprétation de son choix).

« On s’était renseignés, vous voyez, et il en était ressorti deux idées importantes. Premièrement, toute la jeunesse de ce pays se sentait délaissée, les Indiens comme les Noirs. Deuxièmement, seules les familles indiennes avaient un principe hiérarchique fort, pas les familles noires. Et, ça, c’était tout ce qu’on avait besoin de savoir. »

Les membres de l’équipe de SCL décident d’impulser un mouvement qu’ils nomment « do so » qui véhicule l’idée de ne pas voter :

« Du coup, on a ciblé les jeunes. Tous les jeunes. Les Indiens, et les Noirs aussi. On collait des affiches comme celle-là, et puis on encourageait les graffitis, on filait aux gamins de la peinture jaune, des pochoirs et des rouleaux. La nuit, ils se posaient dans leur voiture, ils fumaient un joint, et puis ils faisaient le tour du pays en posant des affiches partout, ils se faisaient poursuivre par la police, tous leurs copains faisaient pareil. C’était génial. On s’amusait comme des petits fous. Cinq mois de chaos total. »

« C’était comme faire acte de résistance contre le gouvernement, mais aussi contre la politique, le vote… Très vite, ils ont commencé à tourner leurs propres vidéos YouTube, et ils ont recouvert la maison du ministre de graffitis. Un vrai carnage. Et c’était une excellente stratégie parce qu’on savait, on était certains à 100 % qu’au moment du vote les Noirs n’iraient pas, mais que tous les Indiens iraient quand même, parce que les jeunes Indiens font ce que disent leurs parents, et leurs parents leur diraient d’aller voter ».

Et la stratégie de SCL a fonctionné, il y a eu une différence d’abstention de 40% sur la tranche 18-35 ans, ce qui a donné 6% à leur candidat, ce qui était suffisant pour le faire gagner.

En 2007, SCL avait une première fois travaillé au Nigeria pour le candidat Umanu Musa Yar’adua. Celui-ci avait si peur de perdre l’élection qu’il voulait la truquer. Or cela aurait provoqué un tollé parmi les citoyens si cela se savait. SCL a donc eu l’idée d’ébruiter ce projet de trucage des élections des années en avance. SCL et Nix parle de « vaccination » de la population : si l’information est exposée en avance sur une longue période, alors l’inquiétude est moindre, comme un corps ne s’affole pas d’une maladie pour laquelle il a été préparé par le vaccin.

En 2014, SCL travaille cette fois au Nigeria pour valoriser la campagne de Jonathan Goodluck ayant pour adversaire Muhammadu Buhari. Ce n’est pas Goodluck leur client, mais des milliardaires nigériens qui s’inquiètent de la potentielle arrivée au pouvoir de Buhari, tant pour leurs affaires que pour la vie de leur famille. L’équipe de campagne de Goodluck n’était pas du tout au courant ou en lien avec ce travail.

Et cette campagne anti-Clinton a d’abord été un succès de captation de l’attention :
[Tableau des chiffres des campagnes publicitaires]

On est beaucoup plus sur de l'anti-Clinton que sur du Pro-Trump